Tels sont, messieurs, les dill'érents aspects sous lesquels la philosophie de l'histoire doit considérer un peuple. Y en a—t-il d'autres? Connaissez-vous dans la vie d'un peuple quelque autre élément que ceux que nous avons énumérés? Dans ce cas, c'est le devoir de la philosophie de l'histoire d'examiner ce nouvel élément et de le mettre en rapport ou en contradiction avec les autres. Mais il n'y en a pas, il ne peut y en avoir d'autres. La métaphysique est nécessairement le développement le plus élevé de la vie d'un peuple [son dernier développement, car que peut-il y avoir par delà la réflexion dans la vie intellcctuelle?Que peut—il y avoir pour la pensée au delà de l'étude des lois essentielles et des formes les plus simples de la pensée? Voilà donc un peuple bien connu, examiné sous toutes ses faces, approfondi et épuisé pour ainsi dire dans tous ses éléments. Mais nous n'avons considéré ce peuple que relativement à lui—même; il faut le mettre en rapport avec les autres peuples qui sont renfermés dans la même époque du monde. Toute époque du monde est une dans son idée fondamentale , et en même temps elle est diverse par les diverses idées qui doivent aussi y jouer leur rôle; pour représenter différentes idées , elle doit avoir différents peuples; il faut donc examiner les rapports de ces différents peuples d'une même époque entre eux. Ils ont nécessairement des différences puisqu'ils représentent des idées diverses. Je néglige en ce moment ces différences , et je m'artête à ceci, qu'ils doivent avoir des ressemblances plus grandes que leurs différences , puisque tous sont renfermés dans une seule et même époque. Comme un peuple est un , de même une époque est une. Les peuples qui sont renfermés dans une même époque, en jouant des rôles différents, jouent pourtant des rôles analogues. La philosophie de l'histoire devra saisir ces ressemblances. Mais elle ne doit pas s'arrêter à des ressemblances vagues et générales; elle doit tout approfondir, et rechercher en détail quels sont dans ces différents peuples les caractères correspondants de l'industrie, des lois, des arts , des religions, des systèmes philosophiques. Or, lorsque la philosophie de l'histoire aura étudié ainsi l'industrie , les lois , les arts, les religions, les systèmes philosophiques des différents peuples d'une époque, pour en saisir toutes les ressemblances essentielles, alors elle verra que tous ces éléments sont harmoniques entre eux chez ces différents peuples , parce qu'ils se rencontrent dans une seule et même époque. Les résultats obtenus par l'examen approfondi d'un peuple particulier ne seront pas changés , ils ne seront qu'agrandis. Plus dans un peuple il y a d'éléments à étudier, et plus l'idée générale que représente ce peuple est facile à dégager; de même , plus l'idée d'une époque a d'organes différents dans les différents peuples dont se compose cette époque , plus il est aisé de la reconnaître. L'idée reste la même, seulement son développement, son horizon est plus étendu; c'est-à-dire que si vous étiez arrivés à une formule déjà assez générale pour un peuple particulier, la formule dernière qui représentera tous les peuples d'une époque, toute une époque du monde , sera beaucoup plus générale et plus compréhensive. Or, c'est la philosophie d'un peuple qui a donné son caractère propre a tout le développement de ce peuple. Donc, dans une époque, ce sont les philosophies des différents
peuples de cette époque, comparées, rapprochées et résumées dans leurs ressemblances , élevées à une idée commune , c'est l'idée philosophique qui résulte de cette généralisation qui devient l'idée de l'époque.