mercredi, juillet 15, 2015

Napoléon par Dumas : un ouvrage au destin singulier

Cruikshank - Little Boney gone to Pot Comme tous les grands auteurs romantiques de son époque, Alexandre Dumas, le père, a participé à l'hagiographie de Napoléon Bonaparte qui fut sans discontinuer au gouvernement des Français entre 1799 et 1814, malgré deux périodes de captivité : la première à l'Ile d'Elbe et la seconde à Sainte-Hélène. Devenu empereur des Français le 6 avril 1815. C'est pour mettre fin à l'empire de Napoléon et tourner la page de la révolution française que se tient le Congrès de Vienne du au
Les pays vainqueurs de Napoléon Ier s'engagent à mettre fin à la traite transatlantique, laissant l'abolition de l'esclavage à la discrétion de chaque Etat. (Voir : Le Congrès de Vienne & l'abolition de la traite transatlantique et de l'esclavage).

Napoléon à Sainte-Hèlène
Bonaparte est, de tous les chefs d'Etat de la France, celui qui aura la plus grande expérience de l'insularité et des Outremers. Il est née en Corse et débute sa carrière militaire alors que l'Ile négocie aprement son indépendance et fini par accepter la place que lui fait la République française en révolution. Sa famille est lié à Pascal Paoli, chef d’un Etat Corse qui a existé de 1755 à 1769 et même au-delà. Le 6 avril 1790 Paoli fête ses soixante-cinq ans à Paris avec la marquise de la Jamaïque, descendante de Christophe Colomb. Quelques années plus tard, en  1796, à la veille de partir pour l'Italie avec son armée — et le Général Dumas, Bonaparte épouse Joséphine de Beauharnais fille de colons et militaires de la Martinique,

Dumas exprime cette particularité de Buonaparte en ces termes :
Les premiers jours de sa jeunesse s'écoulèrent au milieu de cette agitation fiévreuse qui suit les révolutions ; la Corse, qui depuis un demi-siècle rêvait l'indépendance, venait d'être moitié conquise, moitié vendue, et n'était sortie de l'esclavage de Gènes que pour tomber au pouvoir de la France. Paoli, vaincu à Ponte-Nuovo, allait chercher avec son frère et ses neveux un asile en Angleterre, où Alfieri lui dédiait son Timoléon. L'air que respira le nouveau-né était chaud des haines civiles, et la cloche qui sonna son baptême, toute frémissante encore du tocsin. =>
 Dumas utilise deux fois le mot esclavage : une fois pour son propre compte (ci-dessus) et une fois citant Napoléon. Es-ce à dire qu'il oublie le rétablissement de l'esclavage. Le mot "esclavage" est récurrent dans son œuvre. "Esclave" l'est encore plus. "Colonie" se rencontre souvent et notons cette phrase "Il déclara que le devoir de tout Anglais loyal était de périr ruiné, plutôt que de souffrir qu'une colonie, une seule, se détachât de la mère patrie" qui fait echo à "Périssent les colonies plutôt qu'un principe"

La biographie parle d'abord de l'art militaire de Napoléon Bonaparte et du gouvernement de la France. On y trouve la citation de l'appel de la Convention au Général Alexandre Dumas, alors auréolé d'une gloire plus grande que celle du jeune Bonaparte : "Le général Alexandre Dumas se rendra à l'instant même 22  à Paris pour y prendre le commandement de la force armée". Voici comment la chose advint :

Quant à Buonaparte, repoussé encore une fois par le destin vers Paris, ce grand centre des grands événemens, il y reprit cette vie obscure ou cachée qui lui pesait tant : ce fut alors que, ne pouvant supporter son inaction, il adressa une note au gouvernement, dans laquelle il exposait qu'il était de l'intérêt de la France, au moment où l'impératrice de Russie venait de resserrer son alliance avec l'Autriche, de faire tout ce qui dépendait d'elle pour accroître les moyens militaires de la Turquie : en conséquence, il s'offrait au gouvernement pour passer à Constantinople avec six ou sept officiers de différentes armes, qui pussent former aux sciences militaires les milices nombreuses et braves , mais peu aguerries, du sultan.
https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Legion-d%27honneur-IMG_0395.JPG
Le gouvernement ne daigna pas même répondre à cette note, et Buonaparte resta à Paris : que fût-il arrivé du monde, si un commis du ministère eût mis au bas de cette demande le mot « accordé. » — Dieu seul le sait.
Cependant, le 22 août 1795, la constitution de l'an III avait été adoptée : les législateurs qui l'avaient rédigée y avaient stipulé que les deux tiers des membres qui composaient la Convention nationale feraient partie du nouveau corps législatif : c'était la chute des espérances du parti opposé, qui espérait, par le renouvellement total des élections, l'introduction d'une majorité nouvelle représentant son opinion. Ce parti opposé était surtout soutenu par les sections de Paris, qui déclarèrent qu'elles n'accepteraient la constitution qu'autant que la réélection des deux tiers serait annulée. La Convention maintint le décret dans son intégrité; les sections commencèrent à murmurer; le 25 septembre quelques troubles précurseurs se manifestèrent -, enfin, dans la journéedu 4 octobre (12 vendémiaire) le danger devint si pressant que la Convention pensa qu'il était temps de se mettre sérieusement en mesure : en conséquence, elle adressa au général Alexandre Dumas, commandant en chef de l'armée des Alpes, et alors en congé, la lettre suivante, dont la brièveté même démontrait l'urgence :
"Le général Alexandre Dumas se rendra à l'instant même à Paris pour y prendre le commandement de la force armée".
L'ordre de la Convention fut porté à l'hôtel Mirabeau; mais le général Dumas était parti trois jours auparavant pour Villers-Coterets, où il reçut la ettre le 13 au matin.
Pendant ce temps, le danger croissait d'heure en heure ; il n'y avait pas moyen d'attendre l'arrivée de celui qui était mandé : en conséquence, pendant la nuit, le représentant du peuple Barras fut nommé commandant en chef de l'armée de l'intérieur; il lui fallait un second ; il jeta les yeux sur Buonaparte.
On peut dire que la destinée du Général Alexandre Dumas s'arrête là.
Mais, la biographie du "Mitrailleur" par le fils conquit le monde grâce à la belle langue du romancier, à la rigueur de l'historien : l'ouvrage a été adapté pour l'apprentissage de la langue française aux jeunes étatsuniens, aux germanophones... Le Napoléon d'Alexandre Dumas, père vient d'être réédité par l'Harmattan avec une belle présentation de Alain Chardonnens.

L'histoire éditoriale de ce livre reste cependant à écrire.

 

Bibliographie

Alexandre Dumas.- Napoléon, Texte établi et présenté par Alain Chardonnens qui nous dit "Dans sa biographie publiée en 1840, Alexandre Dumas retrace l'ascension du jeune Napoleone Bonaparte, l'édification de son Empire et sa déchéance sur l'île de Sainte-Hélène ... Alexandre Dumas est (serait) l'un des chantres de l'épopée impériale dont l'écho traverse les siècles".



 Alexandre Dumas.- [https://archive.org/details/DumasNapoleonIllus1840 Napoleon, exemplaire illustré], 1840

Dumas, Alexandre, 1802-1870; Larner, John B. (John Bell), 1858-1931.- [https://archive.org/details/napoleon00duma Napoleon], 1894

Plusieurs exemplaires sur Internet Archive

Map symbol theatre 02

Le théâtre de Alexandre Dumas père 

Dumas, Alexandre (1802-1870).- Napoléon Bonaparte, drame en six actes, Théâtre de l'Odéon, 10 janvier 1831. Cf. Henri Troyat.- Alexandre Dumas,

Napoléon : citations dans l'œuvre de Alexandre Dumas (sauf les Napoléon).
"Je ne sais qui a dit – peut-être est-ce moi – que la révolution de 1830 était le dernier coup de fusil de Waterloo.
C'est une grande vérité.
A part ceux qui avaient un intérêt de race, de position, ou de fortune, ressortant de la royauté bourbonienne, il est impossible de se faire une idée du sentiment d'opposition, toujours croissante, qui se manifestait en province ; c'était au point que, sans savoir pourquoi, malgré tous les motifs que nous avions de maudire Napoléon, ma mère et moi, nous en étions arrivés à haïr bien davantage encore les Bourbons, qui ne nous avaient jamais rien fait, ou qui même nous avaient plutôt fait du bien que du mal". Mes mémoires,
Chapitre LVIII, Dumaspère.

Le Général Dumas, chevalier de la légion d'honneur ?


Sur cette question, Dumas reste sobre :
"Au reste, mon père, l'homme du camp de Maulde, l'homme du camp de la Madeleine, l'homme du mont Cenis, l'homme du siège de Mantoue, l'homme du pont de Brixen, l'homme de la révolte du Caire, l'homme que Bonaparte avait fait gouverneur du Trévisan et qu'il avait présenté au Directoire comme l'Horatius Coclès du Tyrol, mon père mourait sans avoir été fait simple chevalier de la Légion d'honneur". Mes mémoires, Chapitre XX, Dumaspère.
Voici comment Dumas mis sa croix dans sa poche
"Mais c'est un des malheurs de ceux qui donnent, de ne jamais savoir donner à temps ; cette croix que le duc d'Orléans demandait pour moi en 1830, le roi Louis-Philippe ne me la donna qu'aux fêtes de Versailles, en 1836 ; et encore ce ne fut pas lui qui me la donna, ce fut le prince royal, qui, à l'occasion de son mariage, avait eu à sa disposition une grand-croix, deux croix d'officier, et une croix de chevalier.
La grand-croix fut pour François Arago ; les deux croix d'officier furent pour Augustin Thierry et Victor Hugo ; la croix de chevalier fut pour moi.
Arrivé à cette époque de ma vie, je dirai toutes les histoires qui se rattachent à cette croix, et comment M. de Salvandy, pour qu'on lui pardonnât la croix d'officier donnée à Hugo, et la croix de chevalier donnée à moi, fut obligé de la donner en même temps à un brave garçon dont le nom parfaitement inconnu devait nous protéger de son obscurité.
Il en résulta que je mis la croix dans ma poche, au lieu de la mettre à ma boutonnière".
  Mes mémoires, Chapitre CXXXVIII, Dumaspère.

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