La pensée de l'homme se
développe de différentes manières; mais elle n'arrive à se comprendre
elle-même, que quand sur tout ce qu'elle a conçu elle se demande : Tout
cela est-il vrai en soi ? Quel est le fond de tout cela ? Quels sont les
principes secrets, c'est-à-dire les idées générales qu'enveloppent
toutes ces choses ? Et ces principes n'en supposent-ils pas d'autres ?
Est-il impossible d'élever ces généralités à un plus haut degré de
généralité encore ? car il ne faut s'arrêter qu'aux bornes
infranchissables de la pensée , c'est-à-dire à ce qu'il y a de plus
général, à la plus haute abstraction, à la plus haute simplicité : idée
Mais de quoi s'occupe spécialement la métaphysique? De quoi elle s'occupe? Prenez les livres de métaphysique, messieurs; et‘
je ne vous dis pas : Prenez tel ou tel, mais prenez qui vous voudrez ,
prenez Platon ou Aristote, prenez Malebranche on Leihnitz; faites mieux :
ouvrez Condillac; certainement il n'est pas incompréhensible de
profondeur. Or, quels sont les problèmes qu'ilagite? De quoi parle—t-il?
Que dit-il‘? Qu'il n'y a dans la pensée que des idées sensibles
généralisées, c'est-à-dire des idées particulières ajoutées les unes aux
autres , c'est-à-dire des idées contingentes. Selon Condillac , toutest
contingent, variable, fini. Condillac nie l'infini , l'unité , la
substance, etc., et. réduit tout à l'indéfini , au fini multiplié par
luimême , à une simple collection de quantités et d'accidents, etc. Je
n'invente pas, je raconte. D'un autre côté, prenez l'idéalisme : il
admet à grand'peine le contingent, le multiple , le fini , et s'enfonce
dans les profondeurs de la cause , de l'un , du nécessaire , de l'absolu
, de l'être en soi. Voilà le terrain de la métaphysique , et voilà sa
langue. Pensez—y, messieurs; ce n'est pas moi qui ai créé ces problèmes ,
ce n'est pas moi qui ai fait ces dénominations; j'accepte les unes avec
les autres de la main des siècles; et quand de beaux esprits, dans des
scrupules d'élégance qu'ils prennent pour une sage circonspection ,
accusent ces formules, qu'ils accusent donc la philosophie elleméme ;
car depuis qu'elle est née , elle n'a pas d'autre matière , elle n'a pas
un autre langage. Depuis l'anteur du N uaia jusqu'à Aristote, depuis
Aristote jusqu'à Leibnitz et Kant , la matière et la langue de la
métaphysique n'ont pas changé , car le but de la métaphysique est resté
le même. savoir, de rappeler la pensée a ses éléments essentiels; et ces
éléments, toujours à peu près les mêmes , aflectent toujours à peu près
les mêmes expressions. La langue de la métaphysique est donnée; il faut
en prendre son parti.
Voyez, messieurs : excluez la philosophie de
l'histoire, et soutenez alors que dans toute époque donnée la
philosophie est arbitraire et insignifiante; que les philosophes sont
des oisifs qui tirent au hasard de leurs
accordez que la philosophie est en rapport avec
l'époque qui la produit, je vous demanderai si ce rapport est un simple
rapport de coïncidence , où si ce n'est pas un rapport de supériorité,
un rapport de prédo— minance; je vous demanderai si la philosophie ne
réfléchit pas toute la civilisation contemporaine sous la forme la plus
générale, la plus abstraite , la plus simple, et par conséquent la plus
claire en réalité. Toutes nos leçons antérieures aboutissent à ce
résultat. L'accordez-vous? Alors voici la conclusion que le raisonnement
vous impose : c'est que les formules métaphysiques sont l'espression
dernière d'une époque , et que, quand on caractérise avec elles une
époque , on ne fait que tirer du fond d'une époque ce qui y était
contenu , ce qui, se développant d'abord naïvement dans la forme
extérieure de l'art, de la religion, de l'industrie et de la politique,
revient sur soi-même dans sa généralité et sa profondeur, sous la forme
philosophique. Or quelles sont les formules philoso— phiques? Nous
l'awns vu , c'est le contingent et le nécessaire , c'est la substance et
la cause , l'absolu et le relatif, l'être et le phénomène , l'infini et
le fini. Donc irrésistiblement, messieurs, et non pas au nom de
l'imagination , mais de la raison , de la nécessité et de la dialectique
, les formules métaphysiques sont l'expression générale, légitime , et
seule légitime, de la vie d'un peuple. Ainsi ces formules effrayantes
par lesquelles la philosophie débute , l'historien les retrouve à la
suite de ses recherches comme la dernière couclusion de l'histoire , et
il les retrouve nécessairement. Que ce soit là ma réponse aux bons
jeunes gens qui, dans notre excellent pays, après quelques mois
d'études, sans comprendre, du moins sans avoir étudié ni la métaphysique
ni l'histoire , se hàtent de prononcer des arrêts historiques et
philosophiques, et nous accusent d'imposer des formules métaphysiquesà
l'histoire. La philosophie de l'histoire a contre elle , je le sais ,
bien des préjugés; car elle est d'hier, elle est venue la dernière ,
elle est venue en son temps , comme la raison vient après l'imagination;
mais elle est venue enfin , rien ne peut la détruire; or sa mission est
de com— prendre l'histoire, et non de s'arrêter à ses jeux extérieurs ,
à ces images a la fois brillantes et obscures dans lesquelles
ordinairement on la contemple.
Tels sont, messieurs, les dill'érents aspects
sous lesquels la philosophie de l'histoire doit considérer un peuple. Y
en a—t-il d'autres? Connaissez-vous dans la vie d'un peuple quelque
autre élément que ceux que nous avons énumérés? Dans ce cas, c'est le
devoir de la philosophie de l'histoire d'examiner ce nouvel élément et
de le mettre en rapport ou en contradiction avec les autres. Mais il n'y
en a pas, il ne peut y en avoir d'autres. La métaphysique est
nécessairement le développement le plus élevé de la vie d'un peuple [son
dernier développement, car que peut-il y avoir par delà la réflexion
dans la vie intellcctuelle?Que peut—il y avoir pour la pensée au delà de
l'étude des lois essentielles et des formes les plus simples de la
pensée? Voilà donc un peuple bien connu, examiné sous toutes ses faces,
approfondi et épuisé pour ainsi dire dans tous ses éléments. Mais nous
n'avons considéré ce peuple que relativement à lui—même; il faut le
mettre en rapport avec les autres peuples qui sont renfermés dans la
même époque du monde. Toute époque du monde est une dans son idée
fondamentale , et en même temps elle est diverse par les diverses idées
qui doivent aussi y jouer leur rôle; pour représenter différentes idées ,
elle doit avoir différents peuples; il faut donc examiner les rapports
de ces différents peuples d'une même époque entre eux. Ils ont
nécessairement des différences puisqu'ils représentent des idées
diverses. Je néglige en ce moment ces différences , et je m'artête à
ceci, qu'ils doivent avoir des ressemblances plus grandes que leurs
différences , puisque tous sont renfermés dans une seule et même époque.
Comme un peuple est un , de même une époque est une. Les peuples qui
sont renfermés dans une même époque, en jouant des rôles différents,
jouent pourtant des rôles analogues. La philosophie de l'histoire devra
saisir ces ressemblances. Mais elle ne doit pas s'arrêter à des
ressemblances vagues et générales; elle doit tout approfondir, et
rechercher en détail quels sont dans ces différents peuples les
caractères correspondants de l'industrie, des lois, des arts , des
religions, des systèmes philosophiques. Or, lorsque la philosophie de
l'histoire aura étudié ainsi l'industrie , les lois , les arts, les
religions, les systèmes philosophiques des différents peuples d'une
époque, pour en saisir toutes les ressemblances essentielles, alors elle
verra que tous ces éléments sont harmoniques entre eux chez ces
différents peuples , parce qu'ils se rencontrent dans une seule et même
époque. Les résultats obtenus par l'examen approfondi d'un peuple
particulier ne seront pas changés , ils ne seront qu'agrandis. Plus dans
un peuple il y a d'éléments à étudier, et plus l'idée générale que
représente ce peuple est facile à dégager; de même , plus l'idée d'une
époque a d'organes différents dans les différents peuples dont se
compose cette époque , plus il est aisé de la reconnaître. L'idée reste
la même, seulement son développement, son horizon est plus étendu;
c'est-à-dire que si vous étiez arrivés à une formule déjà assez générale
pour un peuple particulier, la formule dernière qui représentera tous
les peuples d'une époque, toute une époque du monde , sera beaucoup plus
générale et plus compréhensive. Or, c'est la philosophie d'un peuple
qui a donné son caractère propre a tout le développement de ce peuple.
Donc, dans une époque, ce sont les philosophies des différents
Et il ne doit pas
suffire à la philosophie de l'histoire d'examinerces quatre éléments les
uns après les autres, d'interrogerchacun d'eux, delui demander ce qu'il
signifie, et de suivre son développement progressif, il faut encore
qu'elle compare ces éléments entre eux pour en saisir les rapports , car
ces rapports sont loin d'etre indifférents. Il faut qu'elle reconnaisse
si ces éléments n'ont pas d'autre rapport que celui de coexistence , ou
si tel ou tel élément précède les autres ou les suit, lequel domine ou
lequel est subordonné. Il fautqu'elle recherche surtout le rapport de
l'élément religieux et de l'élément politique, si, par exemple , la
religion précède et domine les autres éléments, qui alors se groupent en
quelque sorte et se fondent autour d'elle, ou si au contraire , dans le
développement relatif de ces éléments, c'est l'élément politique qui
domine d'abord ou qui finit par dominer tous les autres.
Au reste , soit que ces
éléments coexistent entre eux dans une importance égale, soit que l'un
d'eux domine tous les autres, il est certain qu'ils se développent
harmoniquement , et qu'à tous les degrés de l'existence d'un peuple ils
présentent tous le même caractère; et il le faut bien , car en dernière
analyse tout peuple est un.
C'est en considérant un peuple sous ces points de
vue divers, et qui pourtant se tiennent intimement, que la philosophie
de l'histoire évitera les vues partielles et bornées qui l'ont si
souvent égarée. Souvent l'historien , préoccupé d'un intérêt
particulier, par exemple de l'intérêt politique , considère dans un
peuple presque exclusivement l'élément politique; ou, préoccupé de
l'idée de la religion , il considère presque exclusivement encore
l'élément religieux; et alors ou il néglige tousles autres éléments et
mutile l'histoire , ou , sans les négliger , il leur impose à tous le
caractère qu'il emprunte à l'élément exclusif qu'il considère, et s'il
ne mutile pas l'histoire , il la fausse. L'histoire alors est
très—claire , car je ne sache pas de plus sûr moyen de clarté que la
prédominance d'une idée particulière. La philosophie de l'histoire doit
tout embrasser , industrie , lois, arts, religion; mais on conçoit
qu'alors son dernier résultat, c'est-à—dire la formule dernière sous
laquelle elle résume un peuple, ne réfléchissant plus le caractère
exclusif d'tln seul élément particulier, mais les caractères à la fois
harmoniques et variés de plusieurs, ne peut avoir la simplicité qui
accompagne aisément les formules exclusives. Ne considérez—voué un
peuple que par le côté politique; ici la formule même la plus élevée
n'est pas fort embarrassante. Il est plus dilficile de comprendre et de
représenter les idées fondamentales de la religion d'un peuple, et nous
entrons déjà dans des routes plus sombres. Nous n'eutrons pas dans des
routes moins obscures quand nous voulons pénétrer le sens
intime et mystérieux des tnonuments des arts.
Ordi— nairement on ne considère l'histoire d'un peuple que par son côté
politique : comme ce côté politique est le plus superficiel, il est
aussi le plus clair de tous, et l'histoire exclusivement politique,
toute fière de sa clarté , accuse la philosophie de l'histoire d'etre
inintelligible. En effet , la philosophie de l'histoire dans ses vastes
et profondes recherches, obligée de combiner plusieurs éléments dont
quelques—uns se cachent dans les replis les plus délicats de la pensée
et de l'histoire, et, de leurs rapports divers péniblement constatés, de
déduire , par la généralisation la plus laborieuse , une formule assez
compréhensive pour embrasser à la fois l'industrie, les lois, les arts
et la religion, ne peut et ne doit pas prétendre à une popularité
incompatible avec toute vraie philosophie. Et cependant la philosophie
de l'histoire n'a pas encore abordé l'élé— ment de la vie d'un peuple le
plus important peut-être, mais sans contredit le plus difficile à
saisir, et le plus ,obscur en apparence , quoique toute lumière
véritable soit en lui.
Messieurs , s'il y avait
dans le développement nécessaire d'un peuple un élément qui eût la
singulière propriété d'être particulier comme tous les autres, et en
même temps d'avoir pour condition de son développement la forme de la
généralité; si cet élément avait encore pour caractère historique de ne
jamais précéder les autres et de les suivre toujours ; si d'ailleurs il
était certain que cet élément réfléchît et résumât tous les autres; et
si encore cet élément en appa— rence profondément obscur. puisqu'il est
le plus élevé de tous , puisqu'il est général et réfléchi , était en
réa— lité éminemment clair par les raisons qui font son obscurité
apparente , clair de toute la clarté supérieure de la généralité sur la
particularité , de l'abstraction sur ce qui est concret, de la réflexion
sur le mouvement instinctif et spontané de la pensée; si, dis—je, il
existait un tel élément, et si la philosophie de l'histoire jusqu'ici
l'avait totalement négligé , je vous demande ce qu'il faudrait penser de
ce qu'a étéjusqu'ici la philosophie de l'histoire: cet élément,
messieurs , c'est la métaphysique.
La pensée de l'homme se
développe de différentes manières; mais elle n'arrive à se comprendre
ellemême , que quand sur tout ce qu'elle a conçu elle se demande : Tout
cela est-il vrai en soi? Quel est le fond de tout cela? Quels sont les
principes secrets , c'est-à-dire les idées générales qu'enveloppent
toutes ces choses? Et ces principes n'en supposent-ils pas d'autres‘?
Est-il impossible d'élever ces généralités à un plus haut degré de
généralité encore? car il ne faut s'arrêter qu'aux bornes
infranchissables de la pensée , c'est-à-dire à ce qu'il y a de plus
général , à la plus
haute abstraction, à la plus haute simplicité : idée
générale , idée abstraite , idée simple ; toutes expressions synonymes.
(les questions , messieurs, sont l'âme dela métaphysique. Là, sans
doute, tout est obscurpour les sens et pour l'imagination , pour les
enfants et pour les femmes; mais la aussi est toute lumière pour la
réflexion , pour celui qui se demande un compte viril de ce qu'il pense.
Sur chaque matière, tant qu'on n'est pas arrivé aux idées élémentaires
de cette ma— tière, à sa métaphysique , on n'est arrivé au fond de rien ,
on ignore le dernier mot de toute chose.
Mais de quoi s'occupe spécialement la métaphysique? De quoi elle s'occupe? Prenez les livres de métaphysique, messieurs; et‘
je ne vous dis pas : Prenez tel ou tel, mais prenez qui vous voudrez ,
prenez Platon ou Aristote, prenez Malebranche on Leibnitz ; faites mieux :
ouvrez Condillac ; certainement il n'est pas incompréhensible de
profondeur. Or, quels sont les problèmes qu'il agite ? De quoi parle—t-il ?
Que dit-il ? Qu'il n'y a dans la pensée que des idées sensibles
généralisées, c'est-à-dire des idées particulières ajoutées les unes aux
autres, c'est-à-dire des idées contingentes. Selon Condillac, toutest
contingent, variable, fini. Condillac nie l'infini, l'unité, la
substance, etc., et. réduit tout à l'indéfini, au fini multiplié par
luimême, à une simple collection de quantités et d'accidents, etc. Je
n'invente pas, je raconte. D'un autre côté, prenez l'idéalisme : il
admet à grand'peine le contingent, le multiple, le fini, et s'enfonce
dans les profondeurs de la cause, de l'un, du nécessair, de l'absolu, de l'être en soi. Voilà le terrain de la métaphysique , et voilà sa
langue. Pensez—y, messieurs; ce n'est pas moi qui ai créé ces problèmes ,
ce n'est pas moi qui ai fait ces dénominations; j'accepte les unes avec
les autres de la main des siècles; et quand de beaux esprits, dans des
scrupules d'élégance qu'ils prennent pour une sage circonspection ,
accusent ces formules, qu'ils accusent donc la philosophie elleméme ;
car depuis qu'elle est née , elle n'a pas d'autre matière , elle n'a pas
un autre langage. Depuis l'anteur du N uaia jusqu'à Aristote, depuis
Aristote jusqu'à Leibnitz et Kant , la matière et la langue de la
métaphysique n'ont pas changé , car le but de la métaphysique est resté
le même. savoir, de rappeler la pensée a ses éléments essentiels; et ces
éléments, toujours à peu près les mêmes , aflectent toujours à peu près
les mêmes expressions. La langue de la métaphysique est donnée; il faut
en prendre son parti.
Voyez, messieurs : excluez la philosophie de
l'histoire, et soutenez alors que dans toute époque donnée la
philosophie est arbitraire et insignifiante; que les philosophes sont
des oisifs qui tirent au hasard de leurs
vrêveries un certain nombre de systèmes, sans rapport
avec l'esprit du temps , ni avec les autres éléments de la civilisation. Ou si vous n'osez pas le soutenir, si vous
accordez que la philosophie est en rapport avec
l'époque qui la produit, je vous demanderai si ce rapport est un simple
rapport de coïncidence , où si ce n'est pas un rapport de supériorité,
un rapport de prédo— minance; je vous demanderai si la philosophie ne
réfléchit pas toute la civilisation contemporaine sous la forme la plus
générale, la plus abstraite , la plus simple, et par conséquent la plus
claire en réalité. Toutes nos leçons antérieures aboutissent à ce
résultat. L'accordez-vous? Alors voici la conclusion que le raisonnement
vous impose : c'est que les formules métaphysiques sont l'espression
dernière d'une époque , et que, quand on caractérise avec elles une
époque , on ne fait que tirer du fond d'une époque ce qui y était
contenu , ce qui, se développant d'abord naïvement dans la forme
extérieure de l'art, de la religion, de l'industrie et de la politique,
revient sur soi-même dans sa généralité et sa profondeur, sous la forme
philosophique. Or quelles sont les formules philoso— phiques? Nous
l'awns vu , c'est le contingent et le nécessaire , c'est la substance et
la cause , l'absolu et le relatif, l'être et le phénomène , l'infini et
le fini. Donc irrésistiblement, messieurs, et non pas au nom de
l'imagination , mais de la raison , de la nécessité et de la dialectique
, les formules métaphysiques sont l'expression générale, légitime , et
seule légitime, de la vie d'un peuple. Ainsi ces formules effrayantes
par lesquelles la philosophie débute , l'historien les retrouve à la
suite de ses recherches comme la dernière couclusion de l'histoire , et
il les retrouve nécessairement. Que ce soit là ma réponse aux bons
jeunes gens qui, dans notre excellent pays, après quelques mois
d'études, sans comprendre, du moins sans avoir étudié ni la métaphysique
ni l'histoire , se hàtent de prononcer des arrêts historiques et
philosophiques, et nous accusent d'imposer des formules métaphysiquesà
l'histoire. La philosophie de l'histoire a contre elle , je le sais ,
bien des préjugés; car elle est d'hier, elle est venue la dernière ,
elle est venue en son temps , comme la raison vient après l'imagination;
mais elle est venue enfin , rien ne peut la détruire; or sa mission est
de com— prendre l'histoire, et non de s'arrêter à ses jeux extérieurs ,
à ces images a la fois brillantes et obscures dans lesquelles
ordinairement on la contemple.